Ma vie est un Roman
Personnages




Anne de Boismilon

Nous fîmes, au chapitre "Pourquoi écrivons-nous ce livre ?", le portrait l’une de l’autre dans un livre commun, célèbre en son temps, une enquête sur Les Filles de Madame Claude (Julliard/Stock). Nous avons longtemps travaillé ensemble, pour des magazines ou à la télévision, voyagé aux Etats-Unis en particulier en 1976 ou vingt ans plus tard (photo) en Israël. Ce fut une période de jeunesse et de joie, de complicité, d’aventure qui a duré une vingtaine d’années. Auteur d’un film sur la Légion Etrangère, puis grand reporter à CBS Sixty Minutes, et à ABC, Anne de Boismilon vit aujourd’hui à Vienne, où elle s’est mariée après deux jours de fête :

à g. avec son amie américaine, la présentatrice vedette de télévision, Diane Sawyer ; à dr. j’entre au palais Pallavicini pour le dîner au bras du duc d’Uzès.














Père Louis Boisset, s.j.

Recteur de la Faculté de Sciences Religieuses de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, le père Boisset est l’un des hommes à la fois les plus hors du temps et dans le temps qu’il m’ait été donné de rencontrer, pratiquant à merveille le fameux adage jésuite de la contemplation dans l’action. Il donne un sentiment d’éternité de l’instant que vous vivez auprès de lui, et, dans l’instantané du moment, vous fait pressentir votre vérité profonde. Il oscille entre Jean de la Lune et la sainteté, tout en gardant les pieds sur terre et en ayant un sens très sûr de l’ici et maintenant. La parenthèse beyrouthaine qu’il m’a fait vivre en m’invitant pour quelques jours, avec la découverte des lieux de rêve ou de menaces, la séduction de cette ville déchirée, reconstruite, captivante, m’ont bouleversée pour longtemps. Quant au dîner au bord de la mer, dans ce restaurant des délices mezzéiques avec le cher Père Olivier Borg-Olivier, s.j., rencontré jadis sur les hauteurs de Rome, il reste dans mon cœur plus présent que bien des dîners avec des gens à la houppelande vide.





Si Hamza Boubakeur

Si Hamza Boubakeur, Recteur de la Mosquée de Paris était un homme fin, généreux, venu des plateaux du Haut-Atlas, à mille années-lumières des clivages qui existent aujourd’hui et qui l’auraient navré. Je l’ai interviewé en 1969 pour mon premier livre, Ave Lucifer.

Né en 1912, agrégé d’arabe et auteur d’une traduction du Coran, Si Hamza était devenu en 1957, par un décret du Président du Conseil Guy Mollet, Recteur de la Mosquée de Paris fondée en1926, en hommage aux victimes musulmanes (près de 100 000) de la guerre de 14-18 qui s’étaient battues pour la France. Membre du Conseil consultatif constitutionnel en 1958, député, vice-président de la commission des Affaires étrangères, commissaire du gouvernement français en Arabie Saoudite, sénateur de la communauté de 1959 à 1961,auteur d’un Traité Moderne de la théologie islamique (Maisonneuve et Larose, 1985), à la tête de la Mosquée de Paris pendant un quart de siècle jusqu’en 1982, il était le père de l’actuel recteur (depuis 1992), le docteur Dalil Boubakeur.

Pour le lancement du livre, début novembre 1970, il m’a offert d’inviter des journalistes et les personnes de mon choix à la Mosquée de Paris, « pour communier prosaïquement dans le Couscous et le Sel. ». Nous fûmes une vingtaine, dont le cher Père Henri Gesland, prêtre exorciste de l’Archevêché de Paris. Je suis souvent allée, à cette époque, discuter, à la Mosquée de Paris, avec Si Hamza, j’y ai même participé à un méchoui somptueux, avec l’ambassadeur d’Iran, Pakrâvan. Ce Pakrâvan devait mal finir : lui qui, impressionné dit-on par les qualités spirituelles de son interlocuteur qu’il était allé voir en prison, avait demandé au Shah la grâce de l’imam Khomeini, fut parmi les premiers à être tué par ce dernier, aux premiers jours de la révolution iranienne … Si Hamza m’appelait l’amie du soir « Nejma Leila » (étoile de la nuit) et m’écrivait de très loin (car je voyageais beaucoup) des lettres primesautières ; nous nous sommes revus au cours d’un été du début des années 1970, alors qu’il passait à Contrexéville où mon père prenait les eaux chaque année. Les deux hommes s’appréciaient infiniment. Sa dernière lettre, dans son langage habituel fleuri et affectueux, est une réponse à mes vœux de Nouvel An et date du 8 janvier 1975 :

Elizabeth très chère,

Par quel miracle vous vous êtes décidée à me donner signe de vie ? Sans aucune raison apparente vous avez décidé de me ranger au musée des oublis, alors que pour moi vous êtes toujours vivante et attachante. Nos bons souvenirs et nos soirées de détente à Contrexéville semblent n’avoir aucun sens pour vous et sans rime ni raison vous étendez des nappes de silence entre vos amis et vous. Vous n’êtes qu’une lâcheuse et cela me fait rire parce que je ne vous en veux pas.

Je vous appellerai à l’avenir l’amie « Eclair » : vous paraissez et disparaissez dans les nuages, la nuit comme le jour. Mais moi je ne vous oublie pas et tant pis pour vous ! C’est le revers de l’amitié ! On la traîne consciencieusement ou inconsciemment comme un boulet-canon du destin, mais cela a du bon, malgré le poids qu’elle peut représenter, parce que dans la mesure où elle est vraie, elle dure et compte agréablement somme toute dans la vie. La vôtre, elle est comme ces papillons amoureux qui ne vivent que quelques heures dans l’ivresse du printemps. Je crois bien que le printemps n’est pas votre fort et que le jour de l’an semble pour vous le seul jour des réminiscences.

Quoiqu’il en soit, vous êtes belle, bien vivante, curieuse, taquine, changeante et je demeure, avec votre accord ou sans, votre ami.

Et que devient votre père ? Et où en êtes-vous de vos projets de mariage ? Et vos explorations littéraires ?

En cette aube d’année nouvelle, je vous souhaite ce que je me souhaite à moi-même et en premier lieu vous revoir le plus tôt possible.

Bien vôtre.

Si Hamza Boubakeur

Je me reproche, en effet, cette ivresse de papillon qui me saisissait dans les années 1970, me rendait aveugle aux bouleversement de tout ce qui n’était pas mon pistil et mon parfum, mais aussi aux amis sincères et profonds que l’on ne retrouve jamais avec la même intensité.

Si Hamza qui aimait tant la France et qui, un soir, pour la première fois sévère, alors que je critiquais dans le style radic-soc de mon père la religiosité des Juifs orthodoxes, m’a dit que, dans les camps, seuls ceux qui ont cru à une noble idée de l’homme et à sa soumission à une loi plus haute ont pu se battre et souvent survivre …


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