Ma vie est un Roman
Personnages




Louis Castel

Un coup de fil de Louis Castel m’apprit un jour que Philip K. Dick parlait de moi sur Internet, qu’il m’avait intronisée dans le virtuel. Et que j’étais sans doute la seule à avoir pu l’interviewer (pour une émission du Service de la Recherche). Castel, qui avait créé en 1977 le Théâtrographe en Avignon, montait alors (1993) Comment construire un univers qui ne s’effondre pas deux jours plus tard de Philip K. Dick, pour le créer au Festival In d’Avignon, puis le présenter à Marseille sous l’égide du Théâtre du Merlan, du Système Friche Théâtre et du Théâtre Massalia. Il avait l’intention de passer des extraits de mon interview filmée en arrière-plan. Nous nous sommes rencontrés peu après à Paris, pour la sortie du livre des œuvres de Dick en gros volume poche de la collection Omnibus. Cet homme à part, lumineux, m’a donné un de ces instants très forts d’amitié où « le courant passe », un éclair de seconde et perdure de carte postale en signes amicaux.





Derrick Ceyrac

Photographe de talent, depuis plus de trente ans travaillant pour l’Agence France-Presse (AFP), passionné de voile, Derrick Ceyrac est un chevalier de l’arche perdue, le cow boy qui met selle et éperons à l’envers, ou, comme le définissait Frédéric de Towarnicki, « l’homme des grandes catastrophes : c’est lui qui saura un jour construire le radeau qui nous sauvera tous ». Je lui dois treize années (et plus) de rires, de grognasseries et de complicités, des reportages poétiques et passionnés de l’Irlande à La Grèce, de la Bretagne à la Guyane, des embarquements pour Houat, vent d’amur à tribord …





Georges Chaffard

Nous n’avons guère eu le temps de nous connaître. Georges Chaffard, grand reporter à l’Express, m’avait demandé d’écrire pour sa collection naissante chez Calmann-Lévy - où il venait de publier Les Carnets secrets de la décolonisation - un ouvrage d’après un article que j’avais écris pour Lui(ce fut Ave Lucifer) ; il mourut au moment même de la signature du contrat, tué sur la route, avec sa femme (ses enfants furent blessés) par la voiture déportée sur la gauche … d’un ami de mon père, recteur d’université, qui s’était endormi au volant après avoir roulé toute la nuit, retour du Portugal. Et pour justifier une fois de plus la phrase de Chamfort sur le hasard (s’il était responsable de tout ce qu’on lui attribue, il s’appellerait Dieu ou le destin), ce fut ma femme de ménage, qui se trouvait être celle des Chaffard sans que je l’aie su, qui m’apprit la nouvelle ! Georges Chaffard, je le saurai plus tard, a beaucoup œuvré sur cette période de décolonisation qu'il a couverte en Afrique et en Indochine. Enquêteur d'une honnêteté scrupuleuse, il est à des années-lumières de cette dénonciation/dérision des années 80/90, qui jette le bébé avec l'eau du bain. Lorsqu'il me reçoit dans le bureau à dorures et lambris de la rue Auber, il m'apprend la rigueur, la recherche, la précision des dates et des questions. J’ai toujours regretté de n’avoir pu mieux connaître cet homme affable, d’un professionnalisme remarquable. J’ai eu le sentiment, en le perdant, de retarder mon apprentissage.





Marie-Madeleine Chapuis

Le tango de l’étudiante et de l’analyste (jungienne) … Marie-Madeleine, « marie-marraine » de ma fille, est entrée dans ma vie un an après la mort de mon père. Je suis allée la voir pour cesser de fumer (trois paquets-et-demi par jour) et pour parvenir de nouveau à écrire. Depuis, voilà douze ans que j’ai cessé de fumer, j’ai publié quatre livres, monté une maison d’édition et réalisé deux CD-ROM. Selon les rapports très spéciaux que j'ai avec elle et qu'elle entretien avec moi, je dirais qu'avec sa tête de « Minnie Petite Souris », sa voix flûtée (de soprano quand elle chante), sa gourmandise et ses histoires très détaillées de ce qu’elle a vécu récemment ou dans la journée, le commun des mortels sourit avec indulgence en la voyant. C’est qu’il n’a pas rencontré le regard, perçant, pensif, grave, qui transporte ou plutôt réinstalle dans la zone d’exploration des ombres et fulgurances de l’inconscient. Poétique, insupportable pour avoir toujours raison mais l’exprimer « à côté » (à vous de trouver …), elle a ses moments « Madame Irma », qui me ravissent, des indignations qui rejoignent les miennes, un humour corrosif de jeune vieille dame indigne. Grâce à elle, quelques personnes ont pu toucher aux rives d’une certaine sérénité et progresser.





Charmant

Le chien Charmant fut un cadeau de Marie-Marraine Chapuis à sa filleule, ma fille Charlotte. Il a pour parrain le vétérinaire homme-miracle pour la prescience des hommes et des animaux, Michel Granger. Il nous a accompagnées contre vents et marées, cris d’enfants et invités dans la maison, et a élevé les deux chattes, Tigrée et sa sœur que j’avais gardée quelques mois. Charmant est un saint homme de chien.








Charles Charras

« A la plus mystérieuse et la plus claire de mes élèves » fut la drôle de dédicace que cet acteur, maître des planches, apposa en page de garde d’un de ses livres comico-mélancoliques, Si on veut aller par là, pièce qui fut créée le 2 avril 1986 au théâtre du Lucernaire. Charras, né en 1920 à Saint-Etienne sous le signe du Lion, fut un de mes professeurs au cours Dullin. Il en devint par la suite le directeur. Grand routier des planches, il fit longtemps partie de la compagnie Jacques Fabbri. En 1995, il a écrit Mon Mot à dire, qui revient sur l’histoire de sa vie. Quand j’arrivais sur scène, au cours, couverte de longs gants noirs et d’un boa, il m’a appris à me dépouiller des oripeaux et à me parer du texte à dire. Il m’a aussi appris l’importance de l’interruption du geste de l'immobilité et du silence. Ce fut un vrai professeur, qui a toujours aimé transmettre ce que le cher Baron Edmond appelait « le flambeau de lumière ».
Les 27-28 mars 2005, il fait à Bécherel (Bretagne) dans ma galerie "Maître Albert", conférence et récital.

Quelques élèves du cours Dullin à l’époque : Jacques Galtier(debout), toujours metteur en scène dans la région de Rouen, Michel Souvais (assis et dessinant) toujours acteur, peintre, biographe des grandes dames (de la Goulue à Arletty ou George Sand), Karen Rencurel (à dr.), toujours actrice dans la compagnie L’Aquarium.





Pierre Chaunu

Ce grand historien (agrégé d’histoire et docteur ès Lettres, membre de l’Institut, membre de l’Académie des sciences morales et politiques) fut dès mes premiers écrits sur la Palestine ottomane, un chaleureux et actif supporter. Né en août 1923 à Belleville, mais dans la Meuse, Chaunu est l’auteur de quatre-vingt ouvrages, dont certains essentiels à la compréhension de l’Europe, de la France, du protestantisme ou des temps modernes. Cela va de Conquête et Exploitation des nouveaux mondes, en 1969, à la Brève Histoire de Dieu, en 1992, de La Mémoire et le Sacré, en 1978, à La France, histoire de la sensibilité des Français à la France, en 1982, ou à Danse avec l’Histoire (avec Éric Mension-Rigau), en 1998. Il a fondé à Caen le Centre de recherches d'histoire quantitative en 1966 (s’appuyant sur les mathématiques et statistiques, et utilisant la démographie pour analyser les évolutions historiques), puis fut nommé professeur d'histoire moderne à l'Université Paris IV Sorbonne en 1971. Ce grand protestant, journaliste d’un temps au Figaro, qui a subi quelques remous pour ses positions fermes contraires à l’air du temps, m’a toujours dit d’aller partout répondre aux interviews, sans exclusive : « Il faut prêcher dans les bordels ! Quel intérêt de parler aux convaincus ? ».


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