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Le Crépuscule de l’influence de la France dans la Palestine ottomane (1870-1915) et ses conséquences.
(Ou)
L’occasion manquée de la France en Palestine ottomane.


Et si, en 1905, la France avait choisi de jouer la carte juive dans l’Empire ottoman, comme le lui suggérait le consul Auguste Boppe en 1904 ? Et si, à l’issue de la Première Guerre mondiale, la Palestine était passée sous mandat français, et non britannique ? Si l'idée d’une “fédération helvétique”, nourrie de culture française et de grands idéaux, avait pu voir le jour, avec l’émergence d’un pôle économique juif au Moyen-Orient, et un régime s’inspirant dans les grandes lignes du Parti radical français prônant la laïcité et la foi dans le progrès et les sciences ?

Dès la création, en 1903, de l’Anglo-Palestine Bank (destinée à devenir la Banque Leumi Le Israel), le thème revient en permanence dans les lettres de l’un des principaux pions français sur l’échiquier palestinien, le fondateur de l’école professionnelle de l’Alliance israélite universelle à Jérusalem et protecteur des colonies du baron de Rothschild, ami de Meir Dizengoff, conseiller de Djemal Pacha, ami de Youssef Pacha el-Khalidi, de Saïd effendi el-Husseini et “parrain” d’Amin el-Husseini (le futur Hadj Amin qui fit alliance avec Hitler !), “sauveur” de David Ben Gourion et de Isaac Ben Zvi, soldat de Mustapha Kémal, drogman de l’ambassade de France à Constantinople et à ce titre providence des réfugiés et déportés de tous peuples et religions en 1918-1919, Albert Antébi, surnommé par la presse locale « Le Petit Pacha ».

Ami des gouverneurs successifs, interlocuteur des consuls, acheteur de terrains à vaste échelle, négociateur parlant arabe, français, hébreu, anglais, rôdé aux trois droits – Beth Din, chari’, droit français – dont il joue en maître, c’est le go-between par excellence, Juif levantin féal de la France, ami du Père Lagrange des Etudes Bibliques, envoyant à Jérusalem ses fils à l’Evangelische Hochschule (puis au lycée Lakanal à Paris) et ses filles chez les sœurs de Saint-Joseph. Vice-président de la Chambre de Commerce de Jérusalem qu’il a fondée avec des Arabes chrétiens et musulmans, il jette en 1913 les bases d’un Comité France-Palestine, sous les auspices du rabbin Maurice Liber et du ministre français, socialiste et pacifiste, Aristide Briand (1862-1932).1

Pour les sépharades, et, a fortiori pour les ashkénazes, Antébi était un indigène - le terme de "Levantin" ne se trouve guère appliqué à un Juif de Syrie ou de Palestine -, un “Arabe” (morishkos), avec ce que ça comportait de mépris. Pour Antébi, les sépharades avaient fui la Palestine avant d'y revenir et les ashkénazes étaient les envahisseurs d’une terre qu’ils ignoraient depuis des siècles, alors que lui-même faisait partie d’une famille qui ne s’était jamais éloignée, d’une dynastie de chefs respectés des communautés de Damas ou d’Alep - pendant près de quarante ans pour certains. Tel était en général le rapport en Palestine entre "Juifs levantins" et "Juifs occidentaux", sauf lorsqu'il arrivait aux premiers de se rallier aux autres pour des raisons politiques ou d'intérêt économique.

Toutes ces différences, pour des raisons multiples et complexes, ont été gommées souvent par l’histoire officielle ou par ce qu'on a pu appeler "l'histoire immédiate". Il faut les admettre, pour pouvoir lire dans leur richesse les centaines de lettres inédites d’Albert Antébi, conservées dans les archives de l’AIU, à Paris, aux Central Archives for Jewish People (CZA) à Jérusalem, ainsi qu’aux Archives for the History of the Jewish People (CAHFJP) à l’université Givat Ram : elles offrent un éclairage inattendu sur les rapports ancestraux entre Constantinople, Damas et la Palestine, d'un côté, les grandes puissances européennes de l'autre. A ces lettres s'ajoutent la correspondance de tous ceux dont il parle ou qu’il côtoya, de ses premiers directeurs et professeurs (Moïse Fresco, Isaac Astruc, Moïse Cohen) à ses admirateurs ou contempteurs - Nissim Béhar, Yomtob Sémach, Alhalel, Ben Yéhouda, Elie Carmona ... Au total près de trente mille lettres originales, contant la vie des Juifs, des Arabes, des Chrétiens au jour le jour, dans diverses villes d’Orient et de Méditerranée.2

Si nous évoquons ce personnage haut en couleur et truculent autant que dérangeant auquel nous avons consacré un Mémoire de l’EPHE3 et un livre grand public4 et qui réapparaît en contre-champ dans notre thèse sur Edmond de Rothschild,5 c’est qu’il peut servir de « fil de Marianne » - l’expression est de Jean Baubérot,6 président de l’EPHE - pour comprendre cette période et mettre en lumière des éléments souvent négligés ou passés sous silence.

1 Les enjeux de la Palestine ottomane

L’entrée de la Palestine sur l’échiquier des grandes puissances européennes ne date que du milieu du XIXe siècle, à l’époque de ce que Henry Laurens a pu appeler l’invention (ou la "réinvention" ?) de la Terre Sainte.7 De la fin des Croisades, avec les rêves brisés de principauté d’Edesse et autres royaumes d’Orient, jusqu’aux avancées conquérantes de Napoléon (1799), la Palestine8 ne fut pour les Français qu’une sorte de terra incognita plus céleste que terrestre.

Avec Napoléon, Chateaubriand écrivit le premier best-seller du siècle, Le Voyage de Paris à Jérusalem (1811). Les écrivains, de Pierre Loti à Théophile Gautier firent le voyage et Jérusalem entra en littérature. A la fin du siècle, le livre du journaliste fouriériste Drumont fut réédité à 200 exemplaires : il s’intitulait La France Juive (1886) et fut propagé par les Jésuites de Beyrouth et de Damas.9

Entre-temps, il y avait eu l’Affaire de Damas (1840) aussi célèbre en son temps pour l'Europe entière que l'affaire Dreyfus plus tard pour la France,10 le massacre des Chrétiens de Syrie par les Druzes (1860) - d’autant plus choquants qu’ils sont les premiers à être photographiés (par le photographe français Gustave Le Gray - conduisant au protectorat français sur le Liban, la fondation de l’Alliance israélite universelle ou AIU (1860), celle de la ferme-école de Mikveh-Israël (1869) près de Jaffa par l’un des fondateurs de l’AIU, Netter, la guerre de 1870 entre l’Allemagne et la France qui s’était soldée par la défaite de cette dernière et la perte de l’Alsace-Lorraine, la création des premières colonies juives de Palestine financées par le baron Edmond de Rothschild, l’instauration de la laïcité honnie par les adversaires de la « Gueuse » (la République). Sans oublier le percement du Canal de Suez (1866-1869).

Juste après il y aurait l’affaire Dreyfus (1895) et l’ouvrage d’un journaliste autrichien qui couvrait l’affaire, un certain Theodor Herzl, auteur de L’Etat Juif (Der Judenstaat, Vienne, février 1896) et fondateur de l’Organisation sioniste. Et la construction par les Français du chemin de fer Jaffa-Jérusalem.

Tous ces événements sont à considérer si l’on veut comprendre la part d’influence prise par la France dans cette partie ombreuse de l’Empire ottoman,11 les contradictions qui alors se firent jour dans sa diplomatie, ses orientations idéologiques, ses tropismes vers le monde latin et la Méditerranée, d’un côté, vers l’Europe centrale et orientale de l’autre, ses hésitations diplomatiques face aux Chrétiens arabes, aux Arabes musulmans, aux Juifs levantins et à la montée en puissance des intérêts sionistes.

Longtemps la Palestine, ottomane depuis 1516, n’avait été qu’une province de la Syrie, province elle-même de l’Empire ottoman. Au XIXe siècle, la Judée et la Samarie relevaient de l’administration de Damas, la Galilée, de Beyrouth. Pendant la guerre de Crimée, le vali [gouverneur] de Jérusalem s’en rapportait directement à la Sublime Porte. A partir de 1873, ce statut devient définitif : la terre qui allait de Ramallah-Jaffa, au nord, jusqu’à l’Egypte, au sud, relevait directement des autorités de Constantinople. Et la France, des docks aux allumettes, des banques aux entreprises de construction, avait nombre d'intérêts économiques et politiques à Constantinople, avec des prolongements en Egypte et en Palestine, en particulier.



2. Le fil de Marianne

L’un des premiers actes, en ce qui concerne l’influence française, se joua à Damas et non à Jérusalem. Il s’agit de l’Affaire Thomas : elle éclata en 1840, à un moment où pour un court instant (1840-1841) la Syrie était occupée par les troupes de l’Egyptien Ibrahim Pacha.

L’histoire se résume en quelques mots : un Frère franciscain, Thomas, et son valet musulman Ibrahim avaient disparu du côté du quartier juif de Damas. On accusa les Juifs de les avoir tués pour verser leur sang dans le pain de la Pâque – vieux ragot de « crime rituel » colporté par les couvents orthodoxes et datant du Moyen Âge. L’ambassadeur de France, Ratti Menton, protecteur des Chrétiens, se précipita chez le Pacha, fit arrêter une dizaine de Juifs que l’on tortura pour qu’ils avouent le prétendu crime. L’interrogatoire de l’un d’eux, protégé du consulat autrichien, tomba à Paris sous les yeux du baron James de Rothschild, consul d’Autriche en France qui alerta le roi Louis-Philippe. Mais ce dernier hésita à s’attirer les foudres des catholiques de sa cour et à heurter son allié égyptien. La Grande-Bretagne, trop heureuse de marquer un point contre la France, envoya en ambassade Lord Moïse Montefiore, avec deux Français, l’érudit Salomon Munk et l’homme politique Adolphe Crémieux, qui obtinrent la relaxe des malheureux. L’un des deux grands rabbins appréhendés était Jacob Antébi (1774-1846), enterré au Mont des Oliviers et … arrière-grand-père d’Albert Antébi.

La création du poste de grand Rabbin de Jérusalem en 1841 fut l’une des conséquences directes de cette Affaire. Ce fut loin d’être la seule, dans l’Empire comme dans le monde.

Ce qui nous intéresse ici c’est que l’Affaire de Damas révèle mieux que tout autre exemple les contradictions inhérentes à la France : celui qui la déclencha fut un consul français, « protecteur des chrétiens d’Orient ».12 Celui qui contribua à la résoudre fut un autre Français, Adolphe Crémieux, un Juif d’une très ancienne famille provençale qui joua un grand rôle en tant que révolutionnaire (de 1848) et de ministre sous la Troisième République, et qui fut à l’origine de la création de l’Alliance israélite universelle (AIU) en 1860. On pourrait même parler d’une influence par ricochet de l’Affaire de Damas sur la France, avec la fondation de l’AIU, puis de la France sur les divers acteurs de la Palestine ottomane, via l’AIU, vecteur des valeurs culturelles et spirituelles de la France républicaine et … agent d’influence et de renseignements du Quai d’Orsay.

Rappelons que l’un des premiers actes de l’AIU à peine fondée fut de se mobiliser pour aider les chrétiens du Liban assassinés par les Druzes – chrétiens protégés à Damas par l’ancien adversaire de la France en Algérie l’émir Abd-el-Kader, en mémoire des religieuses du château d’Amboise où il avait été jadis détenu prisonnier. L’influence d’une France aux valeurs universelles, transcendant tout clivage religieux, ne saurait être mieux résumé.

La notion de la France, telle qu’elle se dégage de la correspondance d’Antébi ou d’autres professeurs et élèves de l’AIU est en effet celle, mythique, d’une « Terre des arts, des armes et des lois » comme la chantait le poète du Bellay, née de la pensée grecque, de la loi romaine, de la fronde gauloise, des idéaux de la chevalerie “à la Cyrano”, des remises en cause voltairiennes, des rêves encyclopédiques, du positivisme comtien et de la foi dans le progrès. Elle a le visage de la Semeuse qui agrémente les timbres.

Le deuxième acte de l’influence française dans la Palestine levantine - outre les liens entretenus de tout temps avec ses enclaves de protection catholiques latines - fut la fondation en 1869 de la ferme-école de Mikveh Israël, la ferme école dont allaient sortir les générations d’agriculteurs qui feraient fleurir le désert, l’ouverture de l’école de garçons de Jérusalem en 1882 et le début du soutien à la colonisation juive en Palestine apportée par le baron français Edmond de Rothschild, s’inspirant des méthodes de culture expérimentées par ses jardiniers en Algérie et important dans ses colonies la culture du vin du Bordelais (où son père avait un cru) ou des parfums de Grasse (où sa tante avait une villa qu'elle lui légua).

Là, nous retrouvons notre « fil de Marianne », Albert Antébi, fils du rabbin Joseph et petit-fils d'un patriote ottoman mort dans les troubles de 186013qui travaille pour l’AIU à Damas. Remarqué pour son intelligence, le jeune homme est envoyé par le directeur de l’école Isaac Astruc en France, à l’Ecole du travail du 4 rue des Rosiers - où il bénéficie des bourses de Salomon Goldschmidt, banquier et président de l’AIU et du baron de Hirsch, autre mécène, fondateur de l’ICA (Jewish Colonization Association) -, devient serrurier, entre à l’Ecole des Arts-et-Métiers de Chalons/Marne, se fiance à une jeune Lorraine réfugiée là après le Traité de Francfort, repart pour Angers pour sa dernière année aux Arts-et-Métiers : en pleine atmosphère pré-dreyfusarde, il a été dénoncé comme juif à la direction. Il jette un œil fort serein sur toute ces manifestations étranges au pays des droits de l’homme : sa future belle-mère Henriette Salomon, dont la maison a brûlé sur les docks, a été victime d’une superstition populaire voulant que les Juifs brûlent une maison à certaines occasions ! Mais, dans chacun des cas évoqués, le jeune homme ne rapporte que le courage du reste de la population qui est intervenu pour calmer les esprits. Damas et les coups de poignards pour les Juifs qui traversent les quartiers chrétiens lui paraissent autrement plus redoutables En outre, il fait sienne la réflexion de ce professeur de l’AIU, d’origine bulgare, qui chantait à ses enfants la grandeur de la France, au moment de l’Affaire Dreyfus, « la France, seul pays au monde dont le peuple pouvait se passionner et se déchirer pour défendre un juif innocent !».14

Quand Antébi repart en 1896 pour la Palestine prendre la direction de l’école de Jérusalem, il a 23 ans. En huit ans d’études à Paris, Chalons, Angers, lui ont été inoculés les germes de ce que nous avons pu appeler la « religion de la France », propre à bien des Juifs (et non-Juifs) levantins. Il va devenir très vite le correspondant de l’ICA (Jewish Colonization Association) sur place et même alentour, en Syrie ou en Egypte, le protecteur des Juifs yéménites, l’artisan des achats de terre à large échelle pour la colonisation Rothschild, puis pour certains sionistes et quelques chrétiens (dont les assomptionnistes qu’il conseille).

Mais les rivalités européennes rejaillissent sur les courants d’influence juifs en Palestine : en 1871, les Anglais ont fondé l’Anglo-Jewish Association (AJA), alliée critique de l’AIU ; en 1873 les Viennois ont instauré une branche dissidente de l’Alliance avec l’Israelitische Allianz ; en 1901 un ami du Kaiser, l’industriel des cotons James Simon, a fondé la Hilfsverein der Deutschen Juden : ces trois organismes sont d’autres chevaux de Troie des grandes puissances et s’emploient à grignoter la vocation universelle dont se targuent et l’Alliance et la France. Bien avant la fameuse « guerre des langues » de 1913 pour le choix de la langue d’enseignement (allemand ou hébreu) au Technion de Haïfa, une guerre des langues et surtout des influences – latine ou slavo-germanique – fait rage en Palestine ottomane, avec les enjeux de choix de civilisation afférents : c’est à Mikveh-Israël que fut pour la première fois entonnée l’Internationale sous les fenêtres du directeur Niego, en 1900. Et c’est en avril 1902 qu’Antébi et le grand rabbin sépharade Meir se font piéger dans le guet-apens de l’hôtel Kaminitz orchestré par les ouvriers ashkénazes à l’appel d’Ephraïm Cohn, directeur de l’école allemande Lämel : « Nous sommes tous des Allemands et c’est la langue allemande qui doit triompher dans ce pays. […] La scène était indescriptible. Des ivrognes menaçaient de me tuer à coups de canne. » Et quelques jours plus tard, Antébi ajoute : « Ils prétendent que notre organisation est anti-juive parce qu’elle refusait de donner du travail aux israélites et anti-religieuse parce qu’elle préfère les musulmans ou les chrétiens.[…] Allons-nous nous montrer intolérants, sectaires et exclusivistes parce que nous formons la majorité à Jérusalem ? »

L'un des éléments essentiels de ces affrontements est de nature démographique : au cours du XIXe siècle, la population de la Ville Sainte s'est modifiée de manière notoire, à la fois quantitativement et, si l'on peut dire, qualitativement. Au début du siècle, vers 1806, Jérusalem comptait environ 12 000 habitants dont 3 000 Juifs ; à la fin des années 1850 environ 15 000 personnes, dont la moitié de Juifs, le quart de musulmans, le quart de chrétien ; dans les années 1900, les Juifs représentent les deux tiers de la population soit 40 000 Juifs dont 25 000 sépharades. Le rapport entre sépharades et ashkenazes s'inverse à la veille de la Première Guerre mondiale, dans les années 1910, et ce renversement de majorité reste la clé des changements ultérieurs : la "courroie de transmission" sépharade, d'inspiration latine et de langue française, avec les autochtones est rompue.

Dès le départ, il fut toujours de bonne politique, à Mikveh, avec Charles Netter, ou à Jérusalem, avec le fondateur de l’école Nissim Béhar, d’admettre quelques élèves et apprentis arabes. Dès le départ, trois élèves musulmans, enfants des paysans du village contigu de Yazour, sont pris à Mikveh. En 1887, un élève est le frère du gouverneur de Jaffa. A Jérusalem, Béhar compte parmi ses élèves le fils de Selim el-Husseini, président de la municipalité, dont les deux filles fréquentent l'école Evelina de Rothschild.15 Au Caire, l'école de l'AIU compte "une douzaine de Caraïtes et trois Musulmans".16 Même à Salonique en 1914, sur près de 2 000 familles qui envoient leurs enfants dans les écoles de l'AIU, une quarantaine sont musulmanes et chrétiennes.17 Il est évident qu'il s'agit de s'attirer les bonnes grâces des autorités ottomanes. Mais par ses écoles, l'AIU a exercé aussi une influence incontestable sur toute une génération d'hommes politiques jeunes-turcs, dont l'un des triumvirs qui gouvernent l'Empire en 1914, Talaat bey.18 Nazim bey, chargé de l'envoi à l'étranger des jeunes gens à former, voudrait même envoyer des musulmans à l'école d'instituteurs pour l'Orient de l'AIU.19 Et lorsque le 15 juillet 1909, le Président de l'AIU Narcisse Leven reçoit à Paris la mission parlementaire ottomane, elle est conduite par un ancien élève musulman de l'AIU, Riza Tewfic, et constituée par plusieurs autres anciens élèves, tels que le député arabe Boustani, le député turc Midhat Chükrü ou le capitaine Ismaïl Jumblatt. Mais l'Alliance ne comprit guère l'ordre nouveau qui s'instaurait en Orient et refusa, dans une large mesure, de jouer le rôle de "laïcité éclairée" que certains lui demandaient de tenir de manière active et engagée.

Enfin lorsque Antébi, congédié par l’AIU en 1913 pour vouloir trop se mêler de politique, crée une banque de crédit, il réunit au Conseil quatre Juifs et quatre Arabes musulmans et chrétiens. Mais il est déjà trop tard. Le recul de l’influence française dans cette partie du monde fut aussi l'abandon de cette idée d’une collaboration entre Arabes et Juifs indigènes pour la modernisation de la Palestine.

3. Une période de contradictions pour la France

Pourquoi la France n’a-t-elle pas saisi l’une des chances qui s’offrait à elle entre son influence sur les Juifs et certains Arabes musulmans via l’AIU, sur les Arabes chrétiens via l’Aiu ou via Maurice Barrès ? Les problèmes soulevés en la matière par la Palestine ottomane, de la fin des années 1870 à la Première Guerre mondiale, soulignent les paradoxes de la France, à la fois Fille aînée de l’Eglise mais aussi de la Laïcité, patrie de l’abbé Grégoire mais aussi forte, dans ses colonies, de millions de sujets musulmans. Le président de la commission parlementaire Franklin Bouillon déclara, au lendemain de la Première Guerre mondiale au journaliste Ithmar ben Avi : « La France est une puissance musulmane, avec ses 20 millions de sujets mahométans en Afrique et en Asie. »

La lutte contre les Congrégations religieuses enseignantes datait des années 1880 (or l’une des difficultés d’Antébi en Palestine est que l’AIU, plus proche des Républicains et des laïcs par le coeur, fait partie des congrégations religieuses dont l’existence officielle n’est pas reconnue par la France), les lois anticléricales fleurirent entre 1901 et 1904, la rupture fut consommée avec le Vatican en 1904 et la loi de Séparation des Eglises et de l’Etat votée en 1905.

En Palestine, la France protège les catholiques romains et l’Italie voudrait avoir voix au chapitre, l’Angleterre et l’Allemagne s’occupent des protestants et des juifs, l’Autriche des catholiques et des juifs, les Russes des orthodoxes. Chacun pousse ses pions : pour l’Italie tout juste formée, il s’agit de se faire une place parmi les grands, pour l’Angleterre, de verrouiller la route des Indes, pour l’Allemagne de réaliser son rêve de Drang nach Osten, pour l’Autriche-Hongrie de restaurer une puissance meurtrie à Sadowa, pour les Russes d’avoir enfin accès aux détroits – ce que onze guerres livrées contre l’Empire ottoman n’ont pu leur permettre d’obtenir !

Pour la France, il s’agit d’abord de travailler à une Palestine moderne, ouverte aux idées de la République, tout en respectant les valeurs ancestrales : elle mène dès le départ ce qu’on pourrait appeler une « politique de grand écart » qui s’appuie à la fois sur les prêtres assomptionnistes de l’Ecole Biblique et de Notre-Dame de France,20 sur les Juifs enseignants ou élèves de l’Alliance israélite universelle, sur des élites arabes musulmanes qui ont fait leurs classes dans les écoles de l’AIU ou poursuivi des études à Montpellier, sur quelques Arabes chrétiens admirateurs du nationaliste Barrès.

La France est traditionnellement protectrice des Chrétiens d’Orient. Mais que faire lorsque la diplomatie est conduite par des gens qui « bouffent du curé » et vont jusqu’à refuser, comme ce fut le cas, que la flotte s’arrête à Jaffa pour ne pas avoir, comme il était de tradition, à s’incliner devant le Patriarche romain ? Comment l'influence de la France peut-elle être ressentie en Orient lorsque, deux ans après les débuts de la persécution contre les congrégations religieuses enseignantes, elle patronne en quelque sorte le premier Pèlerinage de Pénitence des assomptionnistes (1882) avec près d’un millier de pèlerins français ?

Les consuls de France à Jérusalem témoignent des paradoxes de la situation française : lorsque l’école de l’Alliance s’ouvre en 1882, le consul est un homme de la vieille école, Ledoulx, qui soutient de tout cœur la fondation du couvent de Saint-Etienne (1885-1896) par un dominicain. Son successeur est un Ardéchois, Ernest Auzépy (1856-1910), fils d’un officier de marine, qui avait une quinzaine d’années au moment de la défaite de la guerre de 1870 : il se soucie avant tout de contrecarrer l’influence allemande en Palestine. Son successeur est un Nancéen, fils d’officier de cavalerie, Auguste Boppe (1862-1921), un grand diplomate qui a commencé sa carrière comme attaché d’ambassade à Constantinople. Le brave Auzépy comme le brillant Boppe sont des hommes ouverts, républicains convaincus, mais modérés. Avec Georges Outrey (1847-retraité en 1908) qui succède à Boppe en mars 1905, le pendule repart dans l’autre sens : Outrey est un anti-dreyfusard de la première heure, hostile à toute intervention ; il se plaît dès qu’il le peut à conspuer la Gueuse. Heureusement, en juillet 1908, arrive un nouvel « honnête homme », Georges Gueyraud, qui a cinquante ans et reste jusqu’à la guerre et la rupture diplomatique avec l’Empire ottoman devenu allié de l’Allemagne. Autre personnage-clé (très républicain) pour cette partie du monde au tournant des années 1900, Ferdinand Wiet, né en 1872, sorti des Langues O, drogman à Alep, puis à Constantinople avant d’être nommé en 1900 gérant du consulat de Jérusalem, puis vice-consul de France à Beyrouth. Le personnel diplomatique français subit donc un clivage qui contrecarre les stratégies à long terme

En outre, pour toute décision d’envergure, on remonte à Constantinople. Là encore les diplomates sont la plupart du temps de qualité, mais déchirés entre « ultramontains » catholiques et républicains de tendance agnostique, voire athée, surtout après la loi de Séparation des Eglises et de l’Etat (1905) voulue et portée par Aristide Briand – un an après la fondation du journal l’Humanité par Jean Jaurès : de 1899 à 1909, l’ambassadeur de France à Constantinople est l’avocat Jean Constans (1833-1913), fer de lance de la lutte contre les congrégations religieuses comme ministre de l’Intérieur du gouvernement Ferry de 1880, à nouveau ministre de l’Intérieur de 1889 à 1992, avec des sympathies boulangistes et socialiste. On imagine les conflits qui peuvent éclater entre l’ultra-républicain Constans et l’ultramontain Outrey !

L'affaiblissement de la diplomatie française dans cette partie du monde avec l’abrogation des capitulations – traités de commerce et de lois dérogatoires au sein de l’Empire, obtenues par François Ier – a eu des conséquences innombrables 1) sur les populations juives de Palestine qui ont choisi un modèle de société (plus soviétique et germain que latin et méditerranéen) par rapport à un autre, 2) sur les rapports complexes entre la France et le monde musulman dans cette partie du monde.

Mais les sources mêmes de la singularité française ne sont-elles pas à l’origine de sa perte d’influence ? N’a-t-elle pas secrété les poisons qui l’ont tuée ?

Car, rappelons-le, le mouvement des Jeunes Turcs ou des Jeunes Arabes21 sont nés dans les cafés parisiens, sous l’influence conjuguée de la Révolution française (période Constituante) et du positivisme d’Auguste Comte (1798-1857), avec un zest d’idées saint-simoniennes. Le député jeune-turc Ahmed Riza, qui devint président du parlement turc, avait été, lors de son exil à Paris, l’éditeur du journal Le Jeune-Turc, mais aussi le secrétaire de la Société Positiviste, qui avait choisi pour quartier général le Café Voltaire.22 Les prémisses du mouvement s’étaient esquissées à Paris dès 1868, avec la fondation du mouvement des Jeunes-Ottomans, dont les idées furent reprises en 1895 à Salonique par les officiers ottomans, fondateurs du comité “Union et Progrès”.23

Autre point litigieux, l’éducation, trop abstraite, trop peu pratique. Antébi proteste contre cette "notion d'égalité des chances" mal comprise: « J’ai émis souvent le voeu de voir les programmes de nos écoles primaires faire une place plus large aux notions sur l’industrie, le commerce ou l’agriculture. […] Il nous sera en effet plus agréable de constater chez nos nouveaux apprentis de solides notions d’arithmétiques, de dessin, de géométrie, un peu de comptabilité, plutôt que de les voir irréprochablement fixés sur les dates des victoires de Louis XIV et sur les fleuves de la Sibérie ou sur les racines des mots.24

En cela il est d’accord avec les historiens qui rapportent : “Notre système d’enseignement laisse aussi beaucoup à désirer. Sans dénier la nécessité fondamentale des langues mortes, on pourrait donner une importance au moins égale aux langues vivantes étrangères et ne pas laisser terminer une éducation sans que l’élève parle couramment l’allemand ou l’anglais, comme le font les Levantins. On devrait en outre donner une part plus grande aux mathématiques usuelles, aux problèmes les plus fréquents de la comptabilité, au change, en un mot à toutes ces opérations courantes de la vie des affaires dont l’usage serait vite acquis pour peu qu’on les enseignât et qu’on les enseignât d’une manière pratique.” Sans parler, disent les auteurs, de “l’esprit malheureux des ouvriers qui ne veulent pas voir que leur véritable ennemi n’est pas le patronat, mais la concurrence étrangère, les grèves, si fréquentes de nos jours et si profitables aux nations voisines”.25

4. La montée en puissance du sionisme "germanotropique", la destruction du chaînon levantin, l'affaiblissement de la France en Palestine ottomane.

Les sultans ottomans et les grandes puissances n’ont commencé à s’intéresser à la Palestine que vers le milieu du XIXe siècle, lorsque Lord Montefiore a financé pour les Juifs un moulin, fait bâtir des maisons hors les murs et planter une orangeraie.

Puis il y eut l’activité des missions allemandes (Templiers de Haïfa), américaines (Jérusalem) ou anglaises (avec « conversions-parties » que raconte l’écrivain Myriam Harry, future fondatrice du Prix Femina), entraînant, pour empêcher les conversions hâtives, la fondation de Mikveh-Israël, puis le soutien aux colonies juives de Palestine. Les consuls intervinrent de plus en plus pour aider des non-musulmans, mais aussi des Juifs. Les premiers « sionistes » à prôner le retour des Juifs à Sion, signe de la fin des temps pour les anglicans, furent l’homme d’Etat anglais Palmerston ou l'anglican Lawrence Oliphant … dont le secrétaire Imbert écrivit Ha Tikva (l’Espoir) qui devint par la suite l’hymne de l’Etat d’Israël. Avec les pogromes russes, en particulier celui de Kichinev en 1903, et la révolution russe de 1905, les premiers sionistes ashkénazes commencèrent à arriver.

Ce fut alors qu’Antébi devint à proprement parler le pion, le chevalier, le dernier défenseur de la France et qu’il le paya d’une exil à Damas d’abord, puis au front du Caucase, sur double dénonciation de notables juifs, proches des germanophiles (Cohn-Reiss) et des sionistes (Yellin). L’AIU employait alors peu d’ingénieurs - il était le seul à avoir été envoyé aux Arts-et-Métiers plutôt qu’à l’ENIO ou Ecole Normale pour les Instituteurs d’Orient - et fort peu de levantins, à la fois par réflexe de classe, pourrait-on dire, et par incompréhension de la mentalité orientale. Les strates sociales et le snobisme étaient souvent poussés là plus qu’ailleurs. C’est en ces termes qu’on autre Levantin, juif d’origine ashkénaze, Carmona, dépeint le juif indigène Antébi :

« D’une grande finesse d’esprit comme tous les Syriens, plat devant les forts et arrogants devant les faibles, insinuant, actif, dégourdi, intrigant, parlant haut, fier de l’appui de ses protecteurs et de ses succès […], il a du bon vin, du vieux cognac dans ses caves, de oranges, cadeaux des colonies, de fromage et des saucisses et les Turcs s’en donnent à cœur joie. […] Court de taille, replet, épaules relevées, large de poitrine, jouissant d’une santé de fer, insensible au froid et aux grandes chaleurs ; figure sympathique, des yeux vifs, pétillants de malice et d’esprit, sa conversation est agréable, intéressante lorsqu’il le veut bien, mais en bon Damasquin, il aime les expressions salées et pimentées, cela fait les délices des Arabes et des Turcs qui l’écoutent la bouche ouverte. […] Le mouchoir lui manque le plus souvent et il a l’habitude indécente de bailler jusqu’à se décrocher les mâchoires, de se gratter le nez ou autre chose devant les dames ou devant les personnages avec qui il est en relation d’affaires. Malheur à celui qui se frotte à lui, si c’est un subalterne, il le rosse d’importance. […] Sa rancune est tenace, son bras puissant, sa plume acérée et sa langue envenimée. »26

Et lorsque, au moment de l’arrivée du tyran Djemal Pacha à Jérusalem à l’aube de la Grande Guerre, Antébi fait déverser du balcon de l’école de l’AIU des miches de pain par paniers entiers, à la mode orientale, le tollé est à son comble dans la gentry européenne locale.

Dès octobre 1898, avant-goût des rivalités futures, Antébi a refusé de démolir un mur de l’école pour accueillir l’empereur de Prusse à Jérusalem ; mais il a lancé des invitations pour assister à la scène sur l’estrade avec Hussein effendi el-Husseini, les harems du gouverneur et du cadi, et autres personnalités du cru. L’empereur a donc rencontré Herzl, mais s’est montré froid à l’égard des Juifs, alors que, note Nissim Béhar,28 le fondateur de l’école qui quitte les lieux où il est né, le Kaiser a visité les Patriarches grec, latin et arménien. Le consul Auzépy se plaint dans les années 1902 de ce que l’activité économique allemande s’intensifie chaque jour, avec la poste et la banque allemandse qui ouvrent leurs guichets en Palestine et l’intrusion de la Deutsche Levante Linie qui dessert les échelles de Syrie. Côté anglais, l’école Evelina de Rothschild échappe à la direction de Fortunée Béhar, sœur de Nissim, francophone et héroïne des Dardanelles, pour tomber dans l’escarcelle anglaise de Miss Anne Landau.

En bon Levantin, Antébi s'est construit un réseau d’amitiés et d’allégeances avec ses cousins et amis de Syrie et ailleurs, les Penso, les Catran et les Totah (de Syrie), les Abadi, les Anzaruth (de Beyrouth), les Rahmani … Quant à sa famille, elle est désormais installée en Egypte. Dans la ville sainte, il se heurte en revanche aux notables comme les Valero (banquiers liés au Crédit Lyonnais) ou les Elyashar (rabbins).

Il commence à acheter des terrains pour le baron de Rothschild et les colons. Depuis le guet-apens de 1902, les complots montés par les Allemands sont répercutés dans les journaux juifs américains. Les courtiers arabes chrétiens (au centre de la politique d’achats des terrains pour l’ICA) fomentent des troubles. En 1904, le journal du Caire el-Ikhlas mène campagne contre le mutessarif de Palestine, Kiazim bey, l’accusant de concussion en faveur des Juifs. Derrière cette campagne se profile l’ombre du maronite Azoury, beau-frère de Bechara effendi, l’un des hommes-clés du Sérail, impliqué dans les politiques de ventes de terrains. Antébi suscite un autre article de James Sanoua, Le fondateur du journal Abou Nadara, James Sanoua, publie un article en réponse : les media font irruption sur la scène politique.

Vers 1904-1905 Antébi commence à jouer un rôle central dans le microcosme palestinien. C'est lui qui rédige le rapport que Boppe, le consul de France, envoie au Quai d'Orsay : « Les puissances européennes constatent aujourd’hui que leur ancienne idée directe de politique palestinienne s’appuyant sur les congrégations est fausse, cette fameuse tradition faiblit de jour en jour, les prêtres abyssins s’adonnent tantôt à la France, tantôt à l’Italie, les missions protestantes végètent entre l’Angleterre et l’Allemagne ; enfin le Patriarche et les congrégations latines trahissent tour à tour la France et l’Allemagne et l’Italie, se livrant au plus offrant. Devant cette équivoque et cette incertitude, chaque consul se cherche un contrepoids pour l’influence. »29

Les gouverneurs successifs, Tewfic bey (1899-1901), puis Djewad bey, arrivé en juin 1901, ou Osman Kiazim bey (mars 1902-août 1904), qui devient vali d’Alep sont des familiers d'Antébi. Mais c'est en Réchid bey (août 1904-mai 1907), qui joua un rôle certain dans le groupe de l’Entente Libérale (décentralisatrice) au moment des Jeunes Turcs, face aux groupes Union et Progrès, qu'Antébi trouve un ami véritable. Le passage d'Ekrem bey (mai 1907-septembre 1908), hostile à tous les notables juifs ou arabes, est une période plus sombre, mais Antébi parvient à apaiser les esprits enflammés au moment des événements de Jaffa de mars 1908 au cours desquels un jeune juif russe larde malencontreusement un musulman à coups de couteau.

Il ne fit qu’une bouchée des Subhi bey (septembre 1908-décembre 1909), Azmir bey (décembre 1909-juillet 1911), Djevdet bey (juillet 1911-janvier 1912) dont l’épouse grecque s’enfuit épouvantée des émeutes dans Jérusalem, Mahdi bey (janvier-décembre 1912) qui était albanais, Majid Shoukat bey (décembre 1912-mars 1914), Pacha Medjid bey (qui ne dura que quelques mois) ou Zaked bey, de l’été 1914. Dans ce chaos d’insurrections et d’assassinats, on venait chercher Antébi, représentant de l'Alliance et de la France, plutôt que les gouverneurs, pour envoyer des gendarmes. Ses lettres et celles de ses correspondants traduisent bien le chaos qui suivit en Palestine ottomane la révolution jeune-turque, l’embarras des consuls à choisir leur poulain, les dissensions internes à chaque communauté.

En 1905, Negib Azoury publie un pamphlet incendiaire, Le réveil de la nation arabe, dans le droit fil des idées des jésuites de Beyrouth qui intriguent contre l’Ecole Biblique et le Père Lagrange. Azoury revendique l’établissement d’un empire arabe indépendant, du Nil à l’Euphrate. Un sénateur français le propose pour la Légion d’Honneur. Car Azoury n’est pas un isolé, il se proclame un disciple de Maurice Barrès qui exerce aussi son influence sur Mustapha Kamil, jeune avocat nationaliste d’Egypte, ou sur de jeunes officiers turcs de Macédoine. Antébi le décrit ainsi : « Levantin d’origine, esprit borné, prétentieux mais ignorant … » ce qui en dit long sur les relations entre … Levantins.

5. Lobbies et Media

Avec la Révolution jeune turque, la guerre est devenue d’abord une guerre de communication. Certains des jeunes turcs ont appris la démocratie à Paris, comme Riza bey, le nouveau président de la Chambre des Députés, qui y a vécu en exil vingt ans. La presse est un enjeu d’influence capital. Mais lorsque Antébi propose de fonder un journal en arabe et en français avec des rédacteurs juifs et musulmans, Henri Franck, homme de confiance du baron de Rothschild, se dérobe. Cet aveuglement devant les forces montantes d’une Turquie moderne et d’une Palestine à l’équilibre démographique et culturel entièrement modifié furent certainement l’une des causes de l’effacement de l’influence française dans cette partie du monde.

Par la suite les choses ne font que s’aggraver avec le rappel par le Vatican du Père Lagrange, le durcissement nationaliste des jeunes turcs, les guerres contre l’Italie ou des Balkans, l’agitation ouvrière russe. La Constitution n’est pas accueillie avec joie par la population musulmane : « La foule indigène non musulmane comprend mal les idées de liberté et d’égalité proclamées par la Constitution, d’autre part le gros de la population musulmane, passé son enthousiasme irréfléchi, n’admet plus ses idées, surtout celle d’égalité des religions, condamnée par le Coran ».30 La France laïque perd pied au milieu de ces conflits exacerbés dont elle refuse de comprendre l’ancrage séculaire. Des notables arabes hostiles comme Nagheb Nachachibi font éloigner du Sérail les pro-juifs et pro-français. La presse arabe financée par des grecs orthodoxes se déchaîne contre les Juifs (al-Karmil à Haïfa, Filastin à Jaffa) mais ne se rapproche pas des Français. L’AIU, dans une volonté de neutralité, se désiste peu à peu et abandonne Antébi face à ses ennemis. Son successeur Loupo, juif bulgare, le hait pour son « levantinisme » et se contente de gérer le quotidien tout en alimentant la chronique de ce qui se passe en Palestine. Avec l’accès au pouvoir des trois pachas (Enver, Talaat et Djemal), la Turquie se tourne définitivement vers l’Allemagne et en Palestine, les sionistes nouent des alliances avec Anglais, Allemands, puis Américains (les Juifs américains d’origine allemande fournirent les trois plus importants ambassadeurs à Constantinople en ce tournant du siècle – Strauss, Morgenthau, Elkus).

Dès 1913, l'ambassadeur de France à Salonique résumait la situation : "Le sionisme fraie la voie à la descente germanique ; l'Alliance fortifie la défense méditerranéenne."31 C'est cette défense qui finit par céder. Lorsque les capitulations sont abolies à l’orée de la guerre, la France n’exerce plus aucune influence en Palestine ottomane.

Conclusion

La défaite de l’influence française – et ce que nous avons pu appeler l’occasion manquée de la France - en Palestine est essentiellement due à trois causes : l’exaltation d'un esprit républicain plus athée que laïc, la remise en cause de l’assimilation, et la défaite de la langue française comme langue diplomatique et comme vecteur de culture latine et méditerranéenne.

La défaite de la guerre de 1870 a lourdement pesé sur une politique française immédiatement confrontée aux troubles de la Commune, à la montée en puissance de l’athéisme et des combats syndicaux (la CGT, fondée à Limoges en 1895 commence à faire irruption dans les affaires palestiniennes aux alentours de 1900, en voulant mettre la main sur les cités ouvrières en construction, financées par Rothschild et Montefiore) et à la politique allemande de la canonnière en Méditerranée.

En 1915, la Loi de séparation des Eglises et de l’Etat, mais aussi la mort du grand rabbin Zadoc Kahn, artisan de l’ombre des colonies juives de Palestine, soutenues par Edmond de Rothschild, ainsi que des colonies juives du Nouveau Monde (Brésil, Argentine, Canada) fondées par le baron de Hirsch, marque la fin non seulement d’un lien séculaire avec le Vatican, mais aussi des retombées de la loi Guizot permettant de financer les cultes, et d’une certaine définition du judaïsme français qui avait pour devise « Patrie et Religion », pour perspective l’assimilation et pour credo la « religion de la France ».

A la même époque, en Palestine ottomane, s’inverse le rapport en nombre entre sépharades et ashkénazes reflété par la « querelle du rabbinat » qui fit rage entre pro- et anti-alliancistes et se solda en 1910 par la défaite de ces derniers, prélude à la défaite du courant ottoman de culture latine face à l’influence autrichienne, à Salonique. Le clivage opéré par la révolution Jeune Turque et les comités Union et Progrès ne firent qu’accroître les revendications nationalistes locales.

La position modérée de la France, l’exception politique qui consiste à se vouloir laïque mais non athée, barrèssienne mais assimilationniste, protectrice des Chrétiens et des Juifs, mais soucieuse de ménager les Musulmans de son Empire, lui fait perdre pied dans un monde où les clivages deviennent brutaux. Le sens des nuances et des rituels orientaux laisse soudain place à des conflits à l’occidentale, ce que marque la relégation des Juifs sépharades et de leur influence dans le pays au profit des Juifs russes ou polonais et des idées autrichiennes ou allemandes. L’influence latine a été définitivement battue en brèche dans cette partie du Levant par le courant germano-slave : « Toute extension économique ou politique des Allemands en Palestine est un nouvel engin meurtrier de notre action juive. L’égoïsme des luthériens prussiens et l’antisémitisme des catholiques saxons et bavarois feraient vite de balayer les vils instruments impurs qui auraient édifié leurs gîtes allemands dans les lieux saints. Je ne crains pas le Russe autant que l’Allemand, le premier est ignare et persécute par une fausse conception de conservatisme ou par sauvagerie tandis que le second raffine ses morsures par égoïsme, orgueil, calcul et haine ; le Russe n’a pas encore une âme, mais l’Allemand n’a plus du cœur. »32

La "religion de la France" sombre avec la Grande Guerre.

La politique arabe de la France, qui se précise au lendemain de la Première Guerre mondiale avec le tropisme syrien et le recentrage sur le Maghreb, est en partie née de cette perte d'influence sur les Juifs du Levant qu'elle avait contribué à former et à "régénérer".

Epilogue : dans les poches d’Albert Antébi, on trouva, à sa mort à 45 ans en mars 1919, des notes détrempées : « Le monde est à la réalisation des rêves. (…] Le principe des nationalités devient la charte de l’Europe, pourquoi donc le peuple juif ne réussirait-il pas comme son contemporain le Grec ? - Il est dispersé ? - ... Mais l’on transplanterait vite quelques millions de la Russie. - L’étendue de la terre palestinienne est minime, elle n’atteindrait pas 30 000 km2 ? - ... On n’a qu’à lui adjoindre la Transjordanie, la presqu’île du Sinaï, le désert de la Syrie ... - Que ferait-on d’un million d’Arabes qui y résident ? ... On les transfèrerait progressivement dans les territoires libre de la Mésopotamie et de la Caramanie. - Mais pour cette transplantation, il faut du temps et de l’argent ? - ... les Juifs sont riches, ils ont connu trois exils, ils sont dispersés depuis deux mille ans, ils mettraient cent ans pour se rassembler (…]- Mais qui règlerait ces données et aplanirait ces difficultés ? - ... La conférence de la paix et Wilson ...

"Et ainsi, tout devient facile et plausible aux rhéteurs et discoureurs. Les réalistes restent sceptiques ... Ils voient comment les généreux rêves de Wilson fondent à la discussion des réalités. […]

"Oui, les Juifs triompheront par la reconnaissance de leur nationalité ; jouissant d’une autonomie administrative, partout où ils forment des agglomérations compactes comme dans certains secteurs en Galicie, Ukraine, Pologne, Bohême, etc., possédant droit de cité en Palestine avec une immigration illimitée et organisée, une colonisation élargie, une autonomie administrative et une coopération politique favorisée, sans sacrifier pour cela le droit des habitants indigènes actuels, Chrétiens levantins ou Arabes musulmans, et les privilèges des Lieux-Saints.

"Le système cantonal suisse, avec un conseil fédéral, sous le protectorat interallié ou un condominium franco-anglais attribuant aux immigrants juifs les terres sans propriétaires, sans donner libre passage aux bolchevistes germano-russes, constituera la formule diplomatique conciliant tous les intérêts. »

Quelques jours plus tard, en mars 1919, Antébi mourait à 45 ans, foudroyé par l’urémie, à l’hôpital maritime de Constantinople.

Une certaine idée de l’option française pour la Palestine était morte avec lui.

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1 Cf. Lucien LAZARE, “Albert Antébi après sa démission de l’Alliance Israélite Universelle, 1913-1919”, Revue des Etudes Juives, CXL VIII, 1-2, janvier-juin 1989, pp 113-120. Sur l’histoire de l’Anglo-Palestine Bank, lire Nadav HALEVI, avec Nahum GROSS, Ephraim KLEIMANN, Marshall SARNAT, Banker to an Emerging Nation : The History of Bank Leumi Le-Israel, Tel Aviv, 1981.

2 Pour l'histoire du monde vue des capitales et endroits-clés d'Orient ou de Méditerranée, cf. E. ANTEBI, Les Missionnaires juifs de la France, 1860-1939), Paris, Calmann-Lévy, 1999.

3 Albert Antébi (1873-1914) ou la Religion de la France, sous la direction de Gérard NAHON, EPHE, 1996.

4 L’homme du Sérail, Paris, NiL, 1996.

5 Edmond de Rothschild (1845-1934) : un itinéraire religieux ? sous la direction de Gérard NAHON, EPHE, 1999.

6 Dans son rapport de lecture sur le Mémoire en 1996.

7 Henry LAURENS, L’invention de la Terre Sainte, 1799-1922, Fayard, Paris, 1999.

8 Rappelons que la Palestine fut ottomane de 1516 à 1917.

9 Edouard DRUMONT (1844-1917) : Fondateur et directeur de la Libre Parole, c’est l’un des plus féroces protagonistes de l’Affaire Dreyfus. Cf. F. BUSI, The Pope of Antisemitism, the career and legacy of Edouard Adolphe Drumont, New York, Lanham, Londres, 1986.

10 Cf. Persécutions contre les Juifs de Damas, Bureau de l’Observateur des Tribunaux, Paris, 1840 (Bibl. AIU, J 8872a, pp. 27,39,49) et An Account of the recent persecution of the Jews of Damascus, London, 1840, de David SALOMONS (Bibl. AIU, J 6050c).

11 Signalons l’ouvrage collectif La France, l’Europe occidentale et la Palestine, 1799-1917, sous la direction de Dominique TRIMBUR et Ron AARONSOHN, Paris, CNRS Editions, 2 001. Ainsi que Pierre FOURNIE et Jean-Louis RICCIOLI, La France et le Proche-Orient, 1916-1946, Paris, Casterman, 1996. Et Studies on Palestine during the Ottoman period, edited by Moshe MA'OZ, Jérusalem, The Magnes Press, 1975.

12 Ce consul écrivit ses Mémoires mais, pour la petite histoire, fit intervenir des amis auprès de James de Rothschild pour que ce dernier ne nuise pas à son avancement.

13 Comme il le confie au tyran Djemal Pacha dans une conversation relatée par le suite dans : Frank E. MANUEL, The realities of American-Palestine relations, Public Affair Press, Washington, 1949, pp. 132-134). Pour cette période, il faut aussi lire le livre remarquable d'Isaiah FRIEDMANN, Germany, Turkey and Zionism, 1897-1918, Oxford, 1977.

14 Rapporté par Thérèse MITRANI, "Quand j'allais à l'école de l'Alliance", Bulletin de l'AIU, mai 1956, p. 9.

15 Lettre de Nissim Béhar, 21 février 1895.

16 Lettre de Samuel Somekh, 24 juillet 1896.

17 Lettre de Joseph Nehama à l'AIU, 1er mai 1914.

18 Lettre de David Lévi, 6 août 1913 (Arch. AIU, Turquie E XXIX)

19 Lettre d'Isaac Fernandez, 14 décembre 1909 (Archives AIU, Turquie E XXIX)

20 Joseph Germer-Durand, né à Nîmes en 1845 fut nommé directeur du scolasticat de Notre-Dame de France (1886-1897) et resta professeur jusqu’en 1913. Il fut l’ami du Père Lagrange dont il soutint les efforts à l’Ecole Biblique (fondée en 1890).

21 Al-Fatah fut fondé en 1911 à Paris . Pour la constitution des divers mouvements d’opposition nationaliste arabes dans l’empire ottoman, cf. G. ANTONIUS, The Arab Awakening. The Story of the Arab-National Movement, Londres, 1945. Neil CAPLAN, Palestine Jewry and the Arab question, 1917-1925, Londres,1978. Henri LAURENS, L’Orient arabe, Paris, 1994, pp. 123-135. Neville J. MANDEL, The Arabs and Zionism before World War I, Berkeley, University of California Press, 1976, pp. 32-57, 60-92,112-113, 115-116, 159. Eliezer TAUBER, The Emergence of the Arabs Movement, Londres, 1993, pp. 61-134 et 178-212.

22 cf. Histoire de l’Empire Ottoman sous la direction de Robert MANTRAN, Paris, Fayard, 1989, pp. 570, 572, 575.

23 E.E. RAMSAUR, The Young Turks : Prelude to the Revolution of 1908, Princeton 1957. V. BERARD, La Révolution Jeune-Turque, Paris, 1909. S. MARDIN, The Genesis of Young Ottoman Thought, Princeton,1962.

24 Arch. AIU, Israël V E 13.

25 Noël VERNEY et George DAMBMANN : Les puissances étrangères dans le Levant, en Syrie et en Palestine, Paris-Lyon, 1900, p 552.

26 Archives AIU

28 Lettre du 4 novembre 1898.

29 Lettre à l’AIU, mars 1903.

30 Lettre d'Antébi à l'AIU, 3 février 1909.

31 Archives Ministère des Affaires Etrangères à Paris, Turquie Nouvelle Série, n° 138.

32 Lettre d'Antébi à l'AIU, 31 août 1913.



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