Ma vie est un Roman
Personnages





Georges Mathieu

Peintre de l’abstraction lyrique, acteur du quotidien, fin lettré et auteur du Privilège d’être, Georges Mathieu avait aimé mon livre Ave Lucifer, et depuis nous n’avons cessé de nous voir dans son petit château de la rue Léopold II, surtout à l’époque où je travaillais sous ses fenêtres, au Service de la Recherche à l’ORTF. Un jour, sans que nul ne sût pourquoi, peut-être parce que je vivais la plupart du temps à l’étranger, nous avons cessé de prendre le thé dans son triclinium violet. Récemment, son exposition à l’Orangerie m’a émue, parfois bouleversée.

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Tania Maximova-Ivanov, princesse Sviatopolsk-Mirski

Tania chantait au Tsarevitch « Les Chrysanthèmes » et « Sois pas jaloux sois pas fâché ». Elle avait une distinction à l’ancienne, des airs complices pour les amoureux et finit ses jours à Levallois-Perret. Ce fut l’une des dernières chanteuses "femmes du monde" des grandes nuits russes.





Adam Michnik

J’ai rencontré Adam Michnik en 1976 (il allait alors avoir trente ans), lorsque je suis allée en Pologne, pour le congrès de Cracovie, au moment où j’écrivait Droit d’asiles en Union Soviétique, et que je rentrais par Varsovie. Je me rappelle mon émotion lorsque, le dimanche matin, les églises ouvraient tout grand leurs portes et que la ville entière devenait une immense cathédrale, unissant dans la même prière de liberté ceux qui croyaient à l’église et ceux qui n’y croyaient pas. Je me rappelle aussi ce résistant inlassable, historien et journaliste, qui a pris aujourd’hui en Pologne de hautes fonctions, qui avait été incarcéré souvent avant mon passage, et qui le fut encore après – en tout, six ans derrière les barreaux. Pour lui, tout avait commencé en 1968, à Prague et à Varsovie. Et je retrouvais mon sentiment d’indignation de l’époque, quand je voyais les fils de bourgeois déraciner les arbres au Quartier Latin ou ces enfants du monde libre se livrer avec délices au langage totalitaire comme à un bonbon même pas défendu, tandis que là-bas, à l’Est, des étudiants tchèques se faisaient brûler pour protester contre le même langage totalitaire, pour juste « le retour au normal », comme disait Michnik. Compagnon de route de Walesa, il plaide aujourd’hui pour une Pologne laïque autant que démocrate, mais surtout qui garderait son génie propre au sein de l’Europe.





Henri de Monfreid

J’avais un peu plus de vingt ans lorsque je suis allée interviewer pour Magazine Littéraire ce très vieux monsieur, un rien forban et aventurier des mers (flibustier qui s’était embarqué pour la première fois pour Djibouti en 1911), encore si fringant et si séduisant que j’allai me recoiffer, les joues un peu roses. Sur le bateau construit de ses mains, l’Altaïr, il avait sillonné Les Secrets de la mer Rouge (1932), et participé plusieurs fois à La Croisière du Haschisch, livre publié en 1937. Il avait trafiqué des armes, s’était converti à l’Islam et avait adopté un nom arabe qui signifiait « l’Esclave du Vivant ». Epris d’Ethiopie, chassé par le Négus en 1933, partisan des idées mussoliniennes, il se rangea après guerre, et publia quelques autres livres (Le Cimetière des éléphants en 1952, Testament de pirate en1963), avant de mourir dans son sommeil à 95 ans. Quand je l’ai rencontré, il laissait pressentir pour l’ultime fois, ce monde à des milliers d’années-lumière de notre quotidien, et jouait avec assez de malice son rôle de roi de la flibuste pour jeune fille du XVIe arrondissement en mal de frissons.





Gaston Monnerville

Lorsque j’ai rencontré Gaston Monnerville(1897-1911), Président du Sénat et ami de mon père (ils s’étaient connus quand mon père était président des étudiants et Monnerville président de l’Union des jeunes avocats), que ce dernier admirait pour avoir fait fermer le bagne de Cayenne et avoir fait transformer les anciennes colonies d’Outre-Mer en départements français, j’avais quatorze ans. Joseph Kessel et lui, que fréquentait mon père, m’ont donné le goût de rencontrer des gens d’exception, à l’origine de ma vocation journalistique.





Dominik Morawski

« Corrispondente Della BBC Presso de la Santa Sede », comme le notifiait jadis sa carte de visite, Morawski est depuis longtemps journaliste, correspondant des journaux polonais, au Vatican. Je l’ai rencontré à l’époque où je tournais mon film sur les Jésuites et il m’a souvent accueillie et « tuyautée » sur le Vatican vu de Pologne ou la Pologne vue du Vatican …





Pierre Motyl

A Jérusalem, j’avais connu dans un bistrot branché, ce jeune Belge dont j’ignorais alors l’histoire (il était assez silencieux et j’étais très bavarde) et il m’avait invitée à venir habiter l’une des pièces de son assez grand appartement, dans le quartier religieux, 27 rehov Rabbi Arie. Ingénieur dans l’industrie aéronautique, il venait de passer un doctorat de communication (Mass Media Sociology) à l’université de Jérusalem et étudiait l’influence des media dans le processus de paix Israël-Egypte. Il servait dans l’armée israélienne. J’ai appris tout récemment la suite : il s’est marié en 1981 avec une dame très belle que l’histoire lui avait depuis longtemps assignée, comme il est souvent dit dans ces pages ou ces écrans : « Si le hasard … ». Elle était en effet la fille d’une femme à laquelle le père de Pierre avait fait faire le mur dans le ghetto de Varsovie; la dame avait survécu sous une fausse identité tandis que les parents de Pierre étaient restés dans le Ghetto jusqu’à l’insurrection, avaient sauté du train qui les emmenaient à Maidanek et – « à force de hasards successifs et de volonté de survie », précise Pierre - avaient fini la guerre à Bergen-Belsen : « Mon père partageait son grabat à Belsen avec un jeune homme brillant qui devint en France un médecin et une personnalité connue : Stanislas Tomkiewicz. Il a écrit une autobiographie sous le titre L’adolescence volée : tu l’as peut-être connu à Paris ? Les épisodes de l’hôtel tenu par la Gestapo à Varsovie et ceux de camp sont donc exactement l’histoire de mes parents. »

Trente ans plus tard, nous nous sommes donc retrouvés à échanger quelques messages virtuels et je dois dire que mon ego a été caressé dans le sens du poil, si j’en crois ses souvenirs : « Tu portais un manteau bleu doublé d’hermine (mais oui j’exagère un peu) aussi seyant que tu es élégante/flamboyante et tout en toi faisait que tu as dû ainsi être la plus belle femme que j’ai rencontrée ». Quant à moi, j’en garde le souvenir de conversations chatoyantes et des meilleurs sabayons dont je me sois jamais délectée !



TOURIA MOUNA

Taquine, gaie - ici elle joue les déjantées, un soir de fête -, Touria est un être rare, présent en amitié, curieuse de bien des choses, parlant anglais et allemand, et se passionnant pour les pays à découvrir (chauds, de préférence) et les arts. Amie privilégiée de ma fille Charlotte, elle a partagé bien des moments de notre vie et quelques voyages en Alsace, ou en Bretagne, et même en Suisse, à Pontresina. Née à Oujda (Maroc) voilà une trentaine d’années, Française par passion, elle vit aujourd’hui au cœur de l’Angleterre anglicane, à Canterbury. Passionnée des enfants, de la pédagogie, des ponts jetés entre diverses civilisations, elle aime plus que tout apprendre et transmettre.





Claire Mouradian

J’ai rencontré Claire à un cours de François Georgeon, à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) du boulevard Raspail à Paris. Georgeon est un grand spécialiste du monde turc et ottoman et siégea à mon jury de thèse en 1999. Ses cours étaient passionnants. Claire, elle, y assistait en tant que spécialiste du monde arménien (elle a écrit plusieurs livres et articles à ce sujet) et, accessoirement, du monde soviétique, surtout du Cauccase. D’un humour et d’une bienveillance rares chez les universitaires, elle accomplit un travail magistral. Elle vient à mes fêtes tsiganes, j’assiste à ses déjeuners caucasiens et nous échangeons souvent des idées sur ce monde dont elle me révèle certaines clés, opaques pour le non-initié, sur les méandres des esprits Géorgiens ou Tcherkesses.


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